femme qui marche
travail en cours depuis 2022
dessins et peintures
dimensions variées

             « C’est un travail en cours…
Je partage ici le tourbillon qui m’anime. »

« Le matin, j’assombris
dans la journée je tard
à l’après-midi, je fais nuit
dans la nuit je brûle.
À l’ouest la mort
contre qui je vis
du sud captif
L’est est mon nord.
D’autres qui racontent
pas à pas:
Je meurs hier
Je nais demain
Je marche là où il y a de la place :
— Mon temps est quand. »
Vinicius de Moraes – Poétique (c’est moi qui traduit)
Rio de Janeiro, 1954

« Je dessine rapidement des « figures »,
des images qui sont dans mon esprit.
En fait, ce que je présente ici est un corps ‘collectif’.
Si ces figures vous semblent étranges,
c’est que nous sommes habitués à l’image fixe.
En mouvement, tout change, le mouvement et le temps – dans leurs fractions de secondes –
transforment la matière. Mais notre œil ne voit pas cela.

Notre œil (esprit) fonctionne comme dans le cinéma, il coupe la plupart de ce qui se passe.
Ce qui est enregistré dans le cortex visuel et mémorisé est

une séquence de plans fixes, de clichés.
Je dessine et peins les pièces manquantes.
L’art, comme les sensations, est synthétique et non analytique.
Je ne représente pas. Je présente ma relation avec ce que je vois.
Mes peintures sont l’intersection de ces deux mondes.
Mon sujet n’est pas ce que je vois,
mais la relation de tout ce qui m’apparaît comme une image.
Je recherche une essence bien au-delà de l’image.
Les êtres sont bien plus que la représentation de leur corps.
Montrer une expérience – ce n’est pas ‘le dessin’, mais le ‘dessiner’.
(Le monde n’a pas besoin d’images, mais d’expérience)
Inspirée par la représentation humaine dans la tradition occidentale… et par ma condition de
‘femme qui marche’, j’emprunte le titre de cette série de peintures à Alberto Giacometti :
‘Femme qui marche’ (1932).

Il prétendait avoir été inspiré par Apollon du Belvédère,
mais son hiératisme le rapproche de l’art grec archaïque, la Koré.
Je ne peux m’empêcher de penser aux modèles contemporains.
Des représentations similaires des femmes à différentes époques. »

À gauche : Alberto Giacometti, Femme qui marche, 1932, bronze, 146,4 x 27,8 x 36,8 cm. Collection privée
Au centre : Artiste inconnu, sans titre, dit Koré au péplos, vers 530 av. J.-C. sculpture en marbre rond / Paros, hauteur : 120 cm. Musée de l’Acropole d’Athènes
À droite, photographie de Hans Feurer du mannequin Madison Headrick, pour le magazine Elle Paris, 9 juin 2022, p. 82.

« Parmi tant d’autres… quelques références :
Duchamp, « Nu descendant l’escalier #2 », 1912
Fragmentation de la couleur, de la lumière, du temps.
Proust – similitude des impressions.
Debussy
Sartre – L’existentialisme

Il y a quelque temps, j’ai compris que je n’avais pas de racines mais des jambes.
Je n’ai pas « de place dans le monde » comme le disait Carlos Castaneda…
Je suis un marcheur,
Je n’appartiens à aucun endroit et aucun endroit ne m’appartient.
« Marcher est la bonne vitesse pour comprendre. »

« Voyageur qui vient de loin,
pourquoi venir ici
et emprunter ce chemin
si pénible ? »

« Chaque pèlerin se trouve confronté à ses propres
fondements, aux chaussures avec lesquelles il se promène.
Bien que utiles, les chaussures sont une surface artificielle qui
nous isole du sol vivant. […] une relation si ambiguë entre la
chaussure et le promeneur, entre lavfondation et l’essence
ou entre la semelle et le sol.
          Nilton Bonder

« L’Eternel dit à Moïse: Va »
Exode 8:1
« Le Seigneur lui dit: Ote tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. »
Exode  3:5
Actes 7:33

« Succession de sensations
Construction et déconstruction de l’image.
L’échelle fait partie du contenu
Épuisement du dessin
La figure n’est qu’un masque temporaire et réducteur placé
sur l’abîme des passions humaines.
Comment représenter une figure humaine unifiée et stable,
défini et donc terminé,
quand l’être humain (son essence) est le chaos des sentiments et des émotions ?
Comment peindre cet aspect « tragique » de la condition humaine ?
L’essence de l’humain qui en soi
permet de rendre compte de la figure humaine ?
Comment rendre compte de ce qui dépasse la valeur ?
L’essentiel qui résiste à tout formatage est votre inscription à l’écran.
L’expression des émotions humaines fondamentales qui résistent à tout ordre et à toute mesure, à toute
limite et à toute définition, à toute figure et à toute circonscription.
une profondeur infinie dans l’écran…”

« Ce que je te dis
ne me change pas
Je ne vais pas du plus grand
au plus petit
regarde-moi
la perspective ne joue pas pour moi
je tiens ma place
et tu ne peux pas t’en éloigner
il n’y a plus rien autour de moi
et si je me détourne
rien n’est à deux faces
rien et moi. »
Paul Éluard

 Fabienne Verdier, Passagère du silence, Paris, Albin Michel, 2003, p. 26.
Nilton Bonder, Tirando os Sapatos. O Caminho de Abraão, Um Caminho Para o Outro, Rio de Janeiro, Rocco, 2008. Sommes nous qui traduisons de l’originel :
« Todo peregrino acaba por defrontar-se com seus próprios fundamentos, os sapatos com os quais caminha pela vida. Embora úteis, os sapatos são uma superfície artificial que nos isola do solo vivo. […] relação tão ambígua entre o calçado e o caminhante, entre o fundamento e a essência ou entre a sola e o solo.